Comme le dit le Dictionnaire Historique de la Suisse (DHS), "au Congrès de Vienne (1814-1815), [la Suisse] obtint pour la première fois la reconnaissance internationale de sa neutralité, homologuée par les grandes puissances (Autriche, France, Grande-Bretagne, Prusse et Russie), le 20 novembre 1815, lors de la conférence de Paris, sous la forme de l'"Acte portant reconnaissance et garantie de la neutralité perpétuelle de la Suisse et de l'inviolabilité de son territoire". Tous les points essentiels en avaient été formulés par le Genevois Charles Pictet de Rochemont, qui avait veillé à ce que l'on ne puisse déduire de cette garantie un droit d'intervention des grandes puissances".

Cette neutralité étant perpétuelle, les voix qui s'élèvent pour réclamer son "assouplissement" ou sa "différenciation", concepts sans fondement d'ailleurs car la neutralité est pleine et entière ou n'est pas, n'ont aucune légitimité à le faire! Nonobstant, le Conseil Fédéral, en traitant cette neutralité, qu'il est pourtant censé protéger, à la légère, joue avec le feu!

C'est vous, Monsieur Cassis, et vos comparses du Conseil Fédéral, qui, en prenant parti pour l'Ukraine contre la Russie, avez détruit notre belle Neutralité et empêché la Suisse de jouer son rôle traditionnel, à savoir offrir ses Bons Offices et favoriser la diplomatie et les négociations, une donnée historique que vous semblez vouloir continuer d'ignorer! Par exemple, l'Arbitrage de l'Alabama n'aurait jamais pu avoir lieu à Genève en 1872, si la Suisse n'avait pas été neutre ni Genève le berceau de la Croix-Rouge! Prenez-en de la graine!

En outre, si en effet la neutralité ne signifie pas l'indifférence, Monsieur Cassis, comme vous l'avez déclaré au Conseil de sécurité de l'ONU à New York, elle signifie en revanche l'absence de partialité! Or, prendre des sanctions économiques contre la Russie, c'est bel et bien choisir son camp et participer au conflit, c'est de facto déterrer la hache de guerre et enterrer notre belle Neutralité (et ne parlons pas de fournir des armes à l'Ukraine, comme certains va-t-en-guerre helvètes le réclament)! La Russie, qui avait pourtant fait le déplacement de Genève en 2021, nous l'a clairement fait savoir!

Enfin, si on examine ce conflit posément, sans jugement moral, sans manichéisme, en historien, on constate que, sur le plan local, ce n'est pas la Russie qui a subitement attaqué l'Ukraine le 24 février 2022, mais l'Ukraine qui attaquait le Dombass depuis 2014, ayant fait près de 14'000 morts. Dans cette optique, il est légitime d'affirmer que, en réalité, la Russie est venue au secours de l'Est du pays, région martyrisée par son propre gouvernement! Même si le fait que Moscou ait précipitamment reconnu l'indépendance des deux régions du Dombass afin de faire entrer son opération spéciale dans le cadre du droit international peut être discuté.

Jacques Davier (Février 2023)