Guignol's Band, de Louis-Ferdinand Céline
Céline revient en force dans l'actualité littéraire, avec la publication de son roman Guerre! Il s'agit du "chaînon manquant" entre le Voyage au bout de la nuit et Guignol's Band!
J'ai justement terminé il y a quelques semaines Guignol's band I! L'ouvrage s'améliore nettement dans le dernier tiers, selon moi! Notamment avec les aventures finales de Ferdinand, de Sosthène de Rodiencourt, un original habillé en chinois et dont l'appartement est rempli de chinoiseries, se présentant comme "occultiste", et de sa femme Pépé! Le voyage au Tibet promis par Sosthène aura-t-il lieu? On en doute grandement! Suite dans Guignol's Band II (Le pont de Londres)!
Acheté hier Guerre, le dernier Céline! Oh, ce n'est pas pour le lire demain, j'ai d'autres lectures en cours! C'est au cas où... Il faut dire que je me dépatouille depuis ce printemps avec l'ensemble Guignol's Band I et Guignol's Band II (Le pont de Londres) (réunis en un volume, éd. Gallimard, Folio, 1988)!
Rien à faire! Pas possible d'avancer! Je suis bloqué au premier tiers du tome deux! Oh, la langue est, comme toujours avec Céline, géniale! Mélange de parler populaire, argotique, de franglais, de tournures savantes! Et les onomatopées! Incroyables trouvailles! Respect pour la forme! Mais, c'est au niveau du fond que cela pêche! Il y a un je ne sais quoi de malsain dans ce livre. C'est probablement l'histoire, les bas-fonds de Londres, la pègre, le milieu interlope, les petites frappes, les maquereaux et les maquerelles, les prostituées, et Bardamu qui est perdu au milieu de tout cela!
Je comprends. Mais, des scènes insoutenables et gratuites comme le meurtre de Titus van Claben sont à mon sens déplacées, inutiles. Elle n'apportent rien au récit, sinon une complaisance envers la bassesse humaine qui, évidemment, existe. Mais fallait-il la montrer à ce point? On a parlé à propos de ce livre, qui met en scène, au sens propre, une bande de guignols, de rebuts de la société, d'"art du grotesque"! Or le grotesque, ici, englobe beaucoup, voire trop de choses...
Il faut être honnête, il y a aussi un sacré humour! Comme les hilarantes expériences de Sosthène et du colonel O'Collogham avec des masques à gaz destinés l'armée anglaise, que les deux olibrius sont censés concevoir et tester! Or, lors des tests, nos guignols abusent quelque peu de certains gaz, contre lesquels leurs masques ne semblent pas être d'une efficacité redoutable, et on entend des fous rires fuser du grenier! Jusqu'au jour où une violente explosion fait voler celui-ci en éclat! Et pendant ce temps, Bardamu, qui est plongé dans une totale et bienvenue oisiveté, a tout le loisir de s'intéresser de près à Virginia, la nièce du colonel...
Au fond, Céline veut faire passer des émotions, et c'est, de ce point de vue, tout à fait réussi, c'est sûr! Mais ici, contrairement au précédent roman Mort à crédit, il va trop loin, je crois. L'influence de la guerre, de l'occupation allemande, peut-être? C'est toute cette ambiance très déprimante, au fond, qui me bloque! Et, à vrai dire, ce n'est peut-être que la (trop grande) réussite de l'auteur à susciter un certain dégoût!
Mais j'arriverai à le surmonter! L'ouvrage, c'est clair, en vaut largement la peine! L'humour, on l'a vu, sauve la mise! Je sens d'ailleurs que c'est le moment de le reprendre! A suivre, le cas échéant!
Jacques Davier (Juin 2022)