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Les Poèmes de la Lune Rouge (XV)

Travail en cours. La numérotation du chapitre est provisoire.

XIX

Jacob avait en horreur la techno, qu'il considérait être une musique d'imbéciles. De même, il haïssait les DJ dont la réputation était surfaite et imméritée, car ils ne faisaient que pomper la musique des vrais artistes. Pour ces raisons, et pour d'autres, il n'aimait pas, mais vraiment pas, le monde dans lequel il vivait. Ce n'est pas pour rien qu'il se réfugiait dans la poésie française du XIXème siècle, dernière période de flamboyance, selon lui, de ce genre littéraire avant la catastrophe et l'absolue décadence, mises à part quelques exceptions, du siècle suivant. Sans doute exagérait-il, mais cela lui était égal, tellement il était jouissif de se lâcher un peu!

Le 9 décembre 1980, Jacob arriva tôt le matin devant l'entrée du collège. Il aperçut assise sur les marches de l'escalier, en pleurs, sa camarade de classe Charlotte; il s'approcha d'elle pour s'enquérir de la cause de ce chagrin, lorsqu'elle lui apprit dans un sanglot que John Lennon était mort, assassiné la veille au soir par un déséquilibré.

Jacob encaissa le coup, alors que le copain de Charlotte était déjà en train de consoler sa dulcinée. La journée fut triste, car Jacob était un fan des Beatles, plus d'ailleurs que de la carrière solo de Lennon, qu'il trouvait à vrai dire très inégale, malgré quelques réussites incontestables. Le plus dramatique pour un fan était que l'ex-Beatle trouva la mort alors qu'il venait de publier un nouveau disque après cinq ans d'absence, et qu'il parlait d'une éventuelle tournée en 1981!

L'entrée de Oona dans la cuisine le tira de ses pensées. Elle se servit une tasse de café au lait, s'assit en face de lui et prit une tranche de pain qu'elle beurra et garnit de confiture aux fraises, la meilleure selon elle. Afin de profiter pleinement de ce samedi, Jacob lui proposa de partir skier aussitôt le petit-déjeuner terminé. Oona fit la moue, disant que rien ne pressait! Elle leur resservit du café, et se prépara une deuxième tartine, en faisant ses yeux de biche. Jacob, séduit, résigné, mangea une grosse tartine au miel. La discussion tourna autour de la morte du télésiège, mais elle tourna en quelque sorte en rond, aucun des deux tourtereaux n'ayant la moindre fibre forensique ou holmésienne! A vrai dire, il se fichaient pas mal de cette affaire. Surtout Oona, qui n'eut aucune peine à convaincre son compagnon de se concentrer sur la joie de ce week-end en couple!

Après être allés s'équiper au skiroom, ils sortirent dans la froidure de ce mois de janvier zermattois et, pour éviter les bus bondés, partirent à pied, en portant leurs lattes et leurs bâtons, vers la station des télécabines qui desservaient les domaines de Schwarzsee et du Petit Cervin. Cela les réchauffait par la même occasion. Ils skièrent toute la journée. Il convinrent que ce n'était que du bonheur! En fin d'après-midi, fatigués, il s'arrêtèrent au Restaurant Furri pour déguster un café Furri, arrosé comme il se doit et recouvert de crème fouettée, le régal local!

C'est là qu'ils entendirent parler de la deuxième morte. Le corps n'avait pas été retrouvé cette fois sur un télésiège, mais dans un fossé le long d'une piste, la piste numéro trente-trois, caché derrière des buissons. Même "mode opératoire" que pour la première victime, car il était clair pour tout le monde maintenant qu'il s'agissait de meurtres, quoiqu'en dissent les autorités. Corps dénudé jusqu'à la taille, dessins de croissants de lune rouges, balle dans la cervelle. Décidément!

Ils choisirent d'ignorer tout cela, ne voulant pas gâcher leur week-end par cet événement, triste certes, mais qui ne les concernait pas le moins du monde, et décidèrent de se refaire une santé en allant dîner au Zermetterhof d'une bonne pièce de viande à la sauce aux morilles, accompagnée de frites, et certainement suivie d'un sorbet poire williamine!

Ni une, ni deux, ils sortirent de l'établissement, chaussèrent leurs skis et foncèrent vers Zermatt!

Jacques Davier (Août 2020)

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