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Les Poèmes de la Lune Rouge (XII)

Travail en cours. La numérotation du chapitre est provisoire.

XXVI

Jacob rentrait à la maison par le train de cinq heures vingt-cinq, à moins qu'il eût une heure de libre, ce qui lui permettait de partir plus tôt de la gare de Genève. Il appréciait beaucoup d'aller au collège en ville. Cela lui faisait une journée partagée entre les joies matérialistes citadines, vécues lors de la pause de midi, comme les magasins de disques, ou les librairies, encore que là, matérialistes, ça peut se discuter car on était dans les domaines culturels et intellectuels, et les plaisirs simples et ruraux de son village, Dardagny, comme se promener dans la campagne, à travers bois, prés et champs, sur de petits chemins terreux et herbeux, connus de lui et des paysans seulement!

L'été, une fois lâché avec ses camarades sur la place du village, devant le temple et le château, par le bus qui montait à Dardagny depuis la gare de La Plaine, il passait rapidement à la maison jeter sa serviette sur son lit, prendre dans sa bibliothèque un volume de poèmes, généralement le Rimbaud de l'édition Poésie Gallimard, embrasser sa mère et faire un brin de causette avec elle, avant de ressortir dare-dare pour se diriger vers la campagne environnant le village, vide à cette heure, les travaux des champs étant terminés, sauf lors de la fenaison.

Il tournait à gauche après le Château Leleux pour emprunter le chemin creux qui le menait, sous une splendide frondaison qui laissait tomber les dernières gouttes de soleil, vers le verger, où il s'asseyait dans l'herbe ou au pied d'un arbre. Après avoir respiré l'air qui sentait bon les prés et les feuillages, il sortait de sa poche le Rimbe et commençait sa lecture.

Il se délectait des poèmes rimbaldiens en général, mais il appréciait plutôt, en ces temps, les poèmes qu'il appelait de pérégrination, et quelques autres, comme "Ma Bohème", "Au Cabaret Vert", "Larme", "La Rivière de Cassis", "Voyelles", "L’Etoile a pleuré rose"! Parfois le chien Dédale venait lui rendre visite en voisin, un beau bouvier noir très affectueux et très curieux. Ses maîtres habitaient le village et s'en occupaient bien, mais, tout comme Jacob, il aimait s'échapper de chez lui pour aller battre la campagne! Quoique Jacob, qui était un intellectuel et un esthète, et non un chien, ne battît point cette campagne mais se contentât de l'admirer!

A vrai dire, Jacob n'était pas tout à fait honnête, car il aimait aussi marcher, courir ou faire du vélo dans les environs du village. Il se rendit donc à la conclusion que, si Dédale l'aimait, c'est parce qu'il avait reconnu en lui un frère en pérégrinations. Frère qui, mais ça, il l'ignorait, ressemblait beaucoup à Rimbaud...

[...]

Jacques Davier (Août 2020)

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