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Les Poèmes de la Lune Rouge (XXI)

Travail en cours. La numérotation du chapitre est provisoire

XXXIII

Jacob s'était réveillé sans difficulté. Il avait rêvé toute la nuit. Il ne se souvenait pas de ses rêves. Il était neuf heures. Oona avait dressé la table pour le petit-déjeuner et préparé le café. Elle était sortie faire les courses. Jacob espérait qu'elle n'oublierait pas le cognac.

Il se leva après s'être étiré, se débarbouilla rapidement à la salle de bains puis entra dans la cuisine, attiré par le bon fumet de café. Il s'en servit une tasse, l'allongea avec du lait et y lança deux cubes d'édulcorant artificiel. Il mangea avec appétit deux tartines au miel. Ensuite, Jacob sortit sur le balcon, une nouvelle tasse de café au lait à la main. Là, il s'alluma une rare cigarette et, debout contre la balustrade, observa Genève. Il aimait voir la ville s'étaler en direction du Lac et du Rhône, le matin, lorsque quelques légers cheveux de brume gris striaient l'air!

Soudain, une inspiration le saisit. Il entra dans le salon, prit son Journal, s'assit à la table et écrivit à la date de ce 21 avril :

"Chacun a un rapport particulier avec ses rêves. Depuis Freud et la psychanalyse, il est communément admis que ceux-ci sont les reflets déformés d'angoisses reléguées dans le subconscient du sujet. Et ces angoisses, il convient de les faire remonter à la surface du conscient par l'interprétation des rêves, afin que le sujet puisse les analyser, les comprendre et les surmonter. C'est un travail sur le refoulé, révélé par le rêve, qui permet de dépasser ses peurs, ses craintes, ses blocages. C'est toujours le sujet qui apparaît en rêve, sous différents alias. Dans ses méthodes, la psychanalyse est multiple, et l'hypnose est aussi utilisée. Cela dit, il existe bien sûr des manières plus traditionnelles d'interpréter les rêves, en Occident et dans d'autres cultures."

C'étaient les rêves nocturnes qui, bien qu'oubliés, avaient fait leur chemin dans son esprit conscient, et lui avaient rappelé ces quelques vérités apprises lors de sa psychothérapie, quelques années auparavant.

Il ajouta un texte datant de cette psychothérapie, car son médecin l'encourageait à noter ses rêves :

"En me réveillant en plein rêve, trottaient dans ma tête la mélodie et le refrain d'une chanson entendue dans ce rêve et interprétée par un artiste inconnu, accompagnés d'un joli thème joué à la guitare électrique, qui sont restés un certain temps en moi, même si j'ai déjà oublié les paroles, faute de la avoir notées.

Cette chanson consistait en fait en un mélange de deux autres morceaux, "The Crawler" et "Blast from a Tornado", ou "Flash...", je ne sais plus, également inventés dans mon rêve! Inventer égale trouver, rappelons-le! Que dire?

Était-ce des réminiscences de morceaux ou de musiques réellement entendues jadis? J'ai totalement oublié maintenant le contexte onirique dans lequel cette musique est apparue. Je connais "The Carpet Crawler", de Genesis, ou "Kerb Crawler", de Hawkwind, mais auncun de ces morceaux ne ressemble au mien. Il doit exister des dizaines d'autres chansons avec ce titre! Blast from your past, titre le plus approchant de celui de mon rêve, est une compilation de Ringo Starr. Aucun des morceaux qui y figurent, là encore, ne ressemble au mien!

Le nageur, ou celui qui rampe, et le souffle d'une tornade. Le protagoniste du rêve, donc moi, selon la psychanalyse, serait un survivant qui aurait échappé à la nage (the crawl), ou bien en rampant (to crawl), donc lentement, difficilement, à un cyclone ayant dévasté sa vie à un moment donné... Chacun, probablement, pourra trouver des similitudes plus ou moins fortes avec sa propre vie. C'est une interprétation!

Les surréalistes, Michel Leiris en tête, aimaient s'inspirer de leurs rêves dans leurs écrits. Ils cultivaient l'inconscient, qu'ils voyaient comme un antidote au rationalisme, considéré comme étriqué. Ils avaient absolument raison! Se référer par exemple à L'Age d'homme, de Leiris. Mais encore faut-il se souvenir de ses rêves, ce qui s'exerce!"

Il eut à peine fini de recopier le texte sur la page du Journal, que Oona fit son apparition, les bras chargés de commissions. Elle alla poser le tout à la cuisine, puis vint lui donner un petit bisou, auquel il répondit avec enthousiasme. Il lui lut le fruit de son travail, elle approuva, ajoutant que sa thérapie était une des meilleures choses qu'il eût faites, car cela l'avait ouvert aux autres. Jacob en était également convaincu.

Elle enchaîna sans transition sur la nouvelle du jour, selon la presse unanime, à savoir la victoire annoncée, au vu des derniers sondages, de la gauche aux élections françaises, le lendemain. Oona déplorait la possibilité de cette issue, car elle détestait la gauche, toutes tendances confondues, elle lui préférait la solidité de la tradition et la sagesse, le bon sens populaires, généralement de droite! Sans être aussi tranché qu'elle, Jacob devait pourtant admettre que son ancienne ardeur socialiste s'était passablement émoussée, avec le temps. Il n'aimait plus cette gauche de profs, d'avocats et de fonctionnaires, socialiste ou verte, complètement illisible, qui avait laissé tomber le peuple pour d'improbables nouvelles lunes, qui seraient remplacées par d'autres, au gré des modes! Et des exigences électorales...

Sur ce, Oona sorti une bouteille de fendant du frigo, la posa avec deux verres sur la table du salon, pendant que Jacob alla préparer l'assiette de viande séchée. Ils trinquèrent en se régalant, et décidèrent d'aller manger, après cet apéritif improvisé, une fondue au Café Bonvin, leur restau valaisan préféré! Le week-end s'annonçait réjouissant au possible!

Lorsque Oona s'apprêtait à tourner la troisième clef dans la troisième serrure, le téléphone sonna. Elle rouvrit la porte et rentra dans l'appartement pour répondre. Jacob, qui attendait sur le palier, n'entendait que des bribes de conversation. Oui, non, pas maintenant... attends la lune montante, non... jamais après la pleine lune. Il fut interrompu dans son écoute par Monsieur Vlabatsky, un jovial voisin du cinquième étage, qui lui lança en passant un sonore bonjour Monsieur, auquel il répondit bonjour à vous! En se retournant vers la porte, il vit Oona qui était en train de la refermer. Elle lui dit, sentant qu'il mourait d'envie de l'interroger, que c'était sa copine Barbara; elle lui demandait conseil sur la meilleure période pour être fécondée. Ah, répondit-il, le don de druidesse! Ils veulent un enfant? Oui, fit-elle dans un sourire.

Jacques Davier (Novembre 2020)

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