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Les Poèmes de la Lune Rouge (IX)

Travail en cours. La numérotation du chapitre est provisoire.

Merci à Gainsbourg pour le Bal Dum Dum...

V

Jacob sortit de la douche. Il était tout mouillé, et s'enroula dans un linge éponge orné d'une ancre et d'une barre blanches sur fond bleu marine. Il alla dans la cuisine, et ouvrit une cannette de bière. Il s'assit à la table, puis disposa un CD dans le discman qui se trouvait là. Un bon vieux Police, Regatta De Blanc. Il alla directement sur "Bring On The Night", un de ses morceaux préférés. Il aurait pu l'écouter des heures, tant la pulsation de la basse de Sting le fascinait! Il n'avait pas reçu la moindre nouvelle de Oona. Où en était-elle avec son Jules? Il composa son numéro, puis l'effaça. Prenant son courage à deux mains, il était allé deux jours plu tôt la voir au bistrot, c'était génial, c'était une fête, mais il repartit sans elle. Tout cela commençait à lui courir sur le système. Se moquait-elle de lui? Avait-elle voulu seulement passer un bon moment, et basta? Avait-elle réellement l'intention de quitter son Jules? Lui avait-elle menti? Lui cachait-elle quelque chose? Il recomposa le numéro, puis le réeffaça. Mais enfin, que faisait-elle? Où était-elle? Avec son type? Tant de complications, et son cœur qui bouillait!

Une fois séché et habillé, il décida de sortir. C'était l'été, il faisait chaud, Genève grouillait de gens, dans les rues, les parcs, les bus. Les restaurants et les terrasses étaient accueillants, il se réjouissait de partir sur ses anciens parcours de virées nocturnes, qu'il espérait toujours vivaces! Il descendit les escaliers de l'immeuble, constata que sa boîte aux lettres était vide, et se retrouva sur le trottoir. Il était sept heures, le ciel était bleu pâle, et quelques cumulonimbus faisaient penser à de grosses cheminées célestes. Il partit d'un pas rapide vers le centre ville.

Après avoir dîné d'une salade niçoise accompagnée d'un petit rosé du patron, il sortit du restaurant, fit quelques pas dans le quartier de Saint-Gervais et se retrouva au Café Zah, où il s'installa à une table libre, au fond de la salle. Les parois étaient tapissées d'affiches de la Belle Époque, alors qu'un grand miroir ornait le mur situé derrière le bar. L'établissement était plein de monde, c'était l'heure de l'apéritif. L'ambiance était bruyante, joviale et décontractée! Alors qu'il passait commande d'un déci de blanc, il vit s'approcher de lui un homme en costard cravate, tenant un verre de vin blanc à la main. Il tanguait légèrement, avec un sourire benêt aux lèvres. Ce n'était manifestement pas son premier verre!

- Salut! Ça va? Dit-il.

- Oui, bien, et toi? Assieds-toi seulement, répondit Jacob.

Jean-Charles s'assit bruyamment, manquant de renverser son verre. C'était un ancien copain d'Uni, qu'il n'avait pas revu depuis des lustres. La serveuse venait de servir Jacob, il en profita pour trinquer en levant son verre; son compagnon lui répondit, d'un geste étonnement sûr. Ils parlèrent de choses et d'autres, des études, de ce qu'ils étaient devenus, du temps qui passe... Jean-Charles travaillait maintenant dans la finance et avait, semble-t-il, une très bonne situation. Il ne pouvait en dire autant. Son job au Département de l'instruction populaire, certes, ne lui déplaisait pas, mais il ne cacha pas que cela était purement alimentaire, qu'au fond ce travail ne l'intéressait guère. Il se rendit compte qu'il n'était pas du tout objectif... Jacob ajouta qu'il était un passionné de littérature, comme aux beaux jours de l'Uni, mais ne voulut rien dire de son roman, en préparation depuis... des années! Jean-Charles tenta de le rassurer, en disant que tout emploi a des côtés inintéressants, répétitifs, voire franchement ennuyeux. Tiens, lui-même, par exemple...

- Alors, c'est ici que tu te caches? fit une voix féminine.

- Ah, Marie, oui, je te présente Jacob, un vieux pote d'Uni. Assieds-toi!

- Voici mon épouse, Marie, ajouta-t-il à l'intention de Jacob.

Marie s'assit à côté de Jean-Charles. Ils se saluèrent et se serrèrent la main par-dessus la table. C'était une très belle femme. Elle avait des cheveux noirs comme l'encre, qu'elle avait arrangés en chignon, laissant onduler deux mèches le long de ses tempes. Ses yeux étaient marrons, et ses lèvres, fines et expressives, étaient fort charmantes à leurs commissures. Elle les avait peintes en rouge, tout comme ses ongles. Jacob tomba aussitôt sous le charme. Elle travaillait à l'Hôpital, à l'Unité d'oncologie. Elle était médecin. Le travail était assez dur, parfois très dur, mais aussi gratifiant, par exemple lorsqu'on pouvait annoncer à un patient sa rémission. Il fallait avoir un grand sens de l'écoute. La discussion continua un petit moment, et lorsque Jean-Charles commanda une tournée de blanc, Marie le regarda légèrement de travers, n'appréciant visiblement pas le fait qu'il fût déjà éméché.

Jacob, quant à lui, ne pouvait détacher les yeux de cette femme, habillée très sobrement d'un jupe bleu pastel et d'une blouse blanche. Elle portait des ballerines bleu clair. Elle était ravissante, avec quelque chose de grec ou d'italien, on ne saurait dire. Des boucles d'oreilles, en argent ciselé, pensa-t-il, ornaient ses oreilles. Elle lui sourit. Jean-Charles, on ne peut plus fier de son épouse, parla de sa famille. C'était une Paulus, elle appartenait donc à l'une des plus anciennes, sinon la plus ancienne famille de la ville, déjà présente en ses murs du temps des romains!

Alors qu'il adressait un léger sourire à Marie, levant son verre vers elle en disant "santé!", une petite voix intérieure, qu'il connaissait bien, dit à Jacob :

- Ta ta ta ta, elle est mariée, tiens-toi bien!

Jean-Charles avait dû remarquer le petit manège de Jacob, ou sentir quelque chose, car il dit :

- Désolé, Jacob, nous devons y aller. Content de t'avoir rencontré. A la prochaine!

Puis, se tournant vers Marie :

- Tu viens, chérie, les autres doivent sans doute nous attendre, au Bal Dum Dum!

Marie se tourna vers Jacob, lui sourit à nouveau, puis le salua. Le couple disparut dans la salle bondée.

Jacques Davier (Avril 2020)

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