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Corona Blog (X)

Que se passe-t-il pour un blogueur confiné à Genève en pleine crise du coronavirus?

Il écrit Viscosités (poème publié en complément de mon billet intitulé Virus, revu, corrigé et augmenté).

Sainte passion du patient zéro, virus rusé rébus usé, folle corolle d'alvéoles et d'arolles molles, boule qui roule foule qui coule, yeux ébahis, faciès évanouis, sang infecté, humeurs et liquides, biles et mucosités, glaires et morve, sueurs et sanies, lymphes et larmes, écumes et salives, viscosités, miasmes nauséabonds, remugles fétides, chairs flétries, bleuâtres, pourrissantes, corps convulsifs attendant la fin, grabats décatis, horreurs des cœurs et des âmes malsains, sainte patience de la passion, héros, clair et lumineux horizon, chemin vers la liberté, chemin vers la guérison, je dis ton nom, ce n'est rien, nous y serons, nous y serons toujours!

Et il disserte aussi sur le "déconfinement".

Avec le "déconfinement", on se rend compte, en fait, que la normalité, c'est-à-dire la vie agréable, humaine, heureuse, oui, normale, c'était le "confinement", et que c'est maintenant que nous entrons dans l'anormalité!

Cette normalité du "confinement", c'est le monde tel qu'il était avant l'avènement en Occident de la société capitaliste marchande à visée totalitaire, dès 1945. C'est le monde qu'ont connu mes grands parents tessinois, dans la Valle di Blenio, mon lieu chéri de tous les possibles! De nombreuses discussions avec ma grand-mère m'ont convaincu que le monde dans lequel elle a vécu jeune était bien plus libre et heureux que le nôtre, même si la pauvreté y était plus grande. Ne fût-ce que parce que chacun, même pauvre, possédait alors sa maison et son jardin, ou y vivait pour presque rien.

Ce monde, je l'ai aussi connu, du moins ses derniers feux, lors de mon enfance et de mon adolescence, lorsque j'allais passer mes vacances auprès de ma famille tessinoise. Il y avait déjà une Coop dans le village, mais elle tenait plus de la petite épicerie que de l'hypermarché! Il y avait aussi la latteria sociale, la laiterie où, pas plus haut que trois pommes, j'accompagnais ma mère pour aller chercher avec nos bidons d'aluminium quelques litres de lait frais. Latteria qui fut d'ailleurs tenue un temps par ma grand-mère. Ces laiteries étaient des coopératives qui avaient pour seul but de vendre le lait de production locale à un juste prix, pour les producteurs et pour les clients, pas toujours très fortunés les uns et les autres. Évidemment sans vouloir faire de profit, au sens capitaliste du terme, la peste de notre temps. Car cela se situait, clairement, hors du capitalisme. Ce monde était un paradis, comparé au nôtre!

La vie était tranquille, calme, faite de petits bonheurs sans ambition, mais intenses, et assez rares pour qu'ils puissent être appréciés à leur juste valeur! C'était des promenades in campagna, à pied ou à vélo, sur les petits chemins ruraux qui entouraient le village, c'était des jeux avec mes soeurs et mes cousins au bord de la rivière ou tout simplement au jardin, ou encore sur le petit chemin caillouteux qui longeait ce dernier. De temps en temps, nous allions faire des courses en ville, c'est-à-dire à Biasca, le bourg qui se trouvait à une vingtaine de kilomètres, au croisement de la Léventine et de la Valle di Blenio. Là, j'avais droit, comme mes sœurs, à un journal pour enfant, généralement Topolino ou, lorsque j'étais plus grand, à Tex ou Zagor. Plus rarement, on nous achetait, à moi une voiture modèle réduit, à mes sœurs une poupée, ou un autre jouet de notre choix. Et, n'en déplaise aux féministes, nous étions très heureux comme ça!

Il y avait également les nombreuses promenades, visites, sorties dans tout le Tessin, et même au-delà, et les marches en montagne, notamment jusqu'à la cascina, ou chalet, de mon oncle, où on ne pouvait encore monter qu'à pied et où nous allions avec mon grand-père. J'aimais ces marches, et au retour, en fin d'après-midi, je laissais partir tout le monde et j'attendais, goûtant le sentiment d'être seul au monde entre ciel et terre, puis je courais rejoindre la petite troupe! C'était bien mieux qu'Internet!

En matière d'installations de loisirs, la Valle di Blenio était très spartiate en ce temps. Il n'y avait pas de places de jeux, du moins chez nous, et un seul cinéma officiait pour toute la vallée, dans lequel nous vîmes des dessins-animés de Walt-Disney, la classe! Cela ne nous a jamais gênés, mes sœurs et moi! Nous nous sommes toujours amusés comme des fous! Mais la différence avec Genève était toutefois palpable. Cette situation a incontestablement favorisé la débrouillardise, et la lecture, donc notre développement intellectuel!

Un jour que nous jouions à cache-cache avec nos cousins dans les jardins, bâtiments, grange, ateliers et vieux garages qui formaient la propriété familiale, j'ai marché sur un clou rouillé planté dans un bout de bois! Douleur! Drame! On m'a amené dare-dare à l'hôpital, et j'en suis revenu avec un gros bandage autour du pied! Mais, le jeu de cache-cache, c'était terminé. En tout cas pour un temps!

Le mode de vie du confinement, ici à Genève, est exactement le même que celui que j'ai connu dans la Valle del Sole! C'est pourquoi je ne me sens pas dépaysé, ni malheureux! Ce petit coin de paradis au nord du Tessin a, depuis lors, dûment été repris en main par le capitalisme marchand, et je crains qu'on n'y soit plus aussi heureux qu'avant...

L'immobilisme, ou le confinement, est générateur de bonheur, de joie et d'épanouissement pour l'individu, qui se retrouve pleinement lui-même, et en lui-même, qui vit sa vie réelle, telle que par lui désirée, à son rythme propre. Le mouvement perpétuel capitaliste, ou le déconfinement, en revanche, est générateur de malheur pour l'individu, empêché de vivre sa vie, qui lui est prise, proprement volée par le capitalisme pour être vouée à la marchandise, et cela finit par le stress, l'angoisse, la tristesse, la maladie et la mort prématurée...

Le capitaliste bouge tout le temps, dans son entreprise, à la bourse, partout, car seul le mouvement génère du profit. D'où son insistance pour abattre les frontières. La grande arnaque, c'est d'avoir fait croire que cela était bénéfique pour toute la société. Non, cela n'est bénéfique que pour le capitaliste! Le normal ou non-capitaliste, lui, vit, au sens plein du terme. Prenons pour exemple le berger. Pendant que se bêtes paissent, il ne "fait" rien, disons rien d'utile d'un point de vue capitaliste. Le poète non plus, ne "fait" rien d'utile entre l'écriture de deux poèmes, sinon travailler au mûrissement de son œuvre. Cela est-il pour autant un mode de vie plus indigne que celui de l'agité permanent qui court après son pognon? Bien sûr que non.

Moins de flux financiers, mais plus de vie, tel est le choix. Avec évidemment le retour des frontières, cela est indispensable. Il est sérieusement temps que nous nous demandions dans quelle société nous voulons vivre! La vie dans le nord du Tessin jusque dans les années septante, nous montre qu'un autre modèle que celui de la société mondialisée, malsaine et délétère dans laquelle nous vivons de nos jours est possible.

Et puisque nous sommes au Tessin, voici un peu de musique italienne! De Lucio Dalla, Cosa sarà, avec Franceso De Gregori (1979), Madonna disperazione (1981), Ciao a te (1981), Balla balla ballerino (1980), Se io fossi un angelo (1986), Washington (1984) et Vita, avec Gianni Morandi (1988). De Francesco De Gregori, Rimmel (1975), Alice (1973) et Pablo (1975). Et pour finir, Ma come fanno i marinai, un autre duo de Dalla et De Gregori (1979). Bonne écoute.

Suite au prochain épisode.

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