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  • Aurore somnambule

    Au lendemain de l'ultimatum, l'Individu sortit de chez lui. Le ciel était bleu, le soleil brillait, une légère brise caressait agréablement la peau. Il s'engagea sur le trottoir, puis, confiant, finit par marcher directement sur la chaussée.

    Après quelques minutes, il s'étonna tout de même de ne croiser personne, ni piéton, ni voiture, ni moto, ni vélo, ni trottinette. Pas âme qui vive! Les rues étaient désertes, la ville était silencieuse, mis à part le pépiement inlassable des moineaux et le roucoulement des pigeons. Seuls un ou deux chiens, l'air perdu, passaient dans son champ de vision.

    Que faire? La boulangerie où il voulait aller se procurer du pain et quelques croissants était inhabituellement fermée. Il ne put voir s'il y avait quelqu'un à l'intérieur, les rideaux étant tirés.

    Il entra dans le parc désert, s'arrêta quelques secondes pour apprécier la situation, puis alla s'asseoir sur un banc. Il commença à réellement s'inquiéter. Il réfléchit. Les Ennemis étaient donc passés à l'action, conclut-il. Ils avaient mis à exécution leur menace de bombarder le Pays avec leurs engins ultra-sophistiqués, conçus, l'Individu s'était renseigné, pour n'éliminer que les vies humaines, à l'exception de la faune et de la flore, et sans détruire quoi que ce soit, bâtiment, pont, chemin de fer, ni endommager la nature!

    Cet engin, ce n'était pas une bombe au sens classique du terme car il n'avait entendu aucune déflagration, ne faisait pas que tuer, il faisait également disparaître les corps. En effet, aucun cadavre ne jonchait le sol, et les quelques bâtiments dans lesquels il réussit à entrer étaient absolument vides.

    Que faire? Il devait être aux environs de midi, estima-t-il, car sa montre ne donnait plus l'heure, tout comme son cellulaire. Les rares personnes auxquelles il avait tenté de téléphoner n'avaient pas répondu. Au moins avait-il pu constater, à l'écoute des sonneries et des répondeurs, que les lignes fonctionnaient, tout comme l'Internet. Mais à quoi bon? Personne au bout du fil et tous les sites web hors service!

    Pourquoi le gouvernement du Pays s'était-il entêté, contre toute raison, à menacer et insulter un Pays bien plus fort et puissant que lui? On allait voir ce qu'on allait voir, pérorèrent les pieds-nickelés au pouvoir! Fichtre, on avait vu, en effet!

    Que faire? L'Individu, maintenant convaincu qu'il était un des rares, sinon le seul survivant, renonça à chercher une explication. Dans quel but? Il préféra se concentrer sur la situation. Peut-être, d'ailleurs, des troupes ennemies allaient-elles entrer dans le Pays, et lui donner, le voulant ou non, le fin mot de l'histoire?

    Dans l'attente de cette éventualité, il continua l'exploration de son quartier. Il poussa jusqu'au Grand Magasin, dont les portes coulissantes étaient étonnement ouvertes. Un effet de l'engin, sans doute. Il fit ses emplettes, et en sortit avec un cabas rempli de nourriture. Puis il retourna au parc s'asseoir sur ce qui était désormais son banc. Les jambes au soleil, les épaules et la tête à l'ombre des arbres, il ferma les yeux, ne sentant plus que l'air léger sur son corps. Il s'endormit rapidement.

    Lorsqu'il se réveilla, il commença par s'étirer, puis contrôla que son sac à dos et son cabas fussent là où il les avait posés, sur le banc à côté de lui. Idiot, se dit-il soudain, tu es le seul survivant, ou l'un des seuls, personne dans le coin à part toi! Aucun risque de vol! Puis il éclata de rire! Le soleil avait quitté le parc, on en voyait les derniers rayons sur les toits des immeubles environnants. Il devait être sept ou huit heures, pensa-t-il.

    Que faire? Aucune connexion, il avait à nouveau vérifié. Rien à attendre de ce côté-là, mon vieux, va falloir te débrouiller tout seul! Il décida de rentrer chez lui, de casser tant que faire se peut la croûte et d'écouter de la musique avant de se coucher. Heureusement qu'il avait un lecteur CD à piles, au cas où il n'y aurait plus de réseau électrique!

    L'Individu n'était bizarrement pas malheureux, juste étonné. Ses contemporains, qu'il détestait car ils étaient corrompus et décadents, étaient loin de lui manquer! Mieux, leur disparition le réjouissait!

    Demain serait un autre jour!

     

    Jacques Davier (Juin 2024)