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Le vol des lettres (2ème partie)

2. Fine Fleur Frêle Esquisse Frédégonde Elise

 

Fine fleur, frêle esquisse, feu follet, leste féline, Frédégonde Elise fuit, telle une épée qui fend le ciel, seul interprète et témoin d’une funeste scène.

Son père, Louis Jules Skoumoun, ex-collectionneur de timbres-poste émérite, chu des cimes éthérées où errent les dieux, en le torrent boueux où roulent les viles vies serviles des hommes, vient de rentrer d’une drôle de « rencontre de public » en une bibliothèque de zone, stoppée net en plein mystère, ensuite du non retour du héros monté se terrer sous les combles.

Or, ce héros, teneur de plume de choc, donc non en toc, espèce de chef suprême en ce monde ombré de l’écrit policier, véridique Zeus de ce public souvent venu de loin pour le toucher (il guérit, c’est sûr, les écrouelles), tout comme Louis Jules qui fut expédié peu de temps plus tôt de l’express Berne-Genève de treize heures dix-sept, s’est envolé en début de soirée d’une pièce où il se permit de monter s’enfermer pour décompresser et fourbir son futur discours, vu de personne, ni entendu d’oreille qui vive, sous le nez et les poils des chefs d’orchestre de ce meeting

Ceci fut connu sur le coup de dix heures du soir, et, frustré, le public, venu en nombre honorer son idole du culte qui lui est dû, conclut vite que son entreprise eut pour solde un terrible échec, et se mit en route comme un seul homme vers le dehors…

En plein côté obscur d’une petite pièce du Kirchenfeld, bistrot des environs d’Olten, le Club des Scribes en folie (presque tous idiots, léninistes en plus) ourdit un complot (piqué des vers ? que nenni !) contre ces fichus scribouilleurs du côté opposé de l’échiquier politique, c’est bien eux, les toqués de droite ! Ce complot, prêt depuis longtemps, fomenté et lustré en silence, derrière les énormes chênes des forêts originelles soleuroises, sous une pluie drue hélée de druides qui en tout temps touillent de terribles potions, consiste en le vol, oui, le vol ! d’une voyelle du betepsilonomicron, lettre première, source de toute pensée, incréée telle qu’en Dieu générée, souffle de vie, lettre princeps des Phéniciens et des Grecs, étoile qui illumine les cieux des belles-lettres, originelle expression, primitive voyelle de l’ensemble ordonné des symboles.

Comment voler cette lettre ? Frédégonde Elise, oui, vous le comprenez enfin, fut membre d’icelle coterie de scribes conjurés du Kirchenfeld ! Elle, détentrice d’intelligence hors normes, prodigieux puits de science, douée d’universel entendement, sut comment procéder. Il lui plut de convoquer son complice de toujours, P. Delechut, connu sous pseudonyme innomé en ce texte. (Chut ! Ce pseudo est réellement trop funeste pour un lecteur moyen, ce que nous sommes tous, non ?)

En effet, Delechut voulut, dès qu’il se sentit inspiré, modifier son nom, puisque « chut », peu bon pour un scriptor inventif, fut jugé trop même qu’effondrement ou que silence. Il se choisit donc un nom d’éditeur sis du côté de Neuche, ce qui fut bon pour son prestige, et écrivit mille pensées immortelles sur sujets divers, toujours plus tournées vers crimes ou histoires de police, toutefois (personne ne put deviner pourquoi). Son dernier livre reçut le titre prémonitoire que voici (tiens ! tiens !) : Le Vol des Lettres !!!

- Debleu, debleu ! mugit, telle un Jo-Johnny en jupons, en ces temps où elle se voulut cheffe des comploteurs, Frédégonde Elise, c’est lui, c’est le bon !

- Crénom ! répondit Delechut.

- Fichtre ! renchérit Frédégonde Elise.

- Mince de bout de femme ! se dit en lui-même Delechut.

- Je vous veux ! fut le beuglement de cette comploteuse envers son futur complice.

- Vers vous je vole ! répondit le scribe.

Or, c’est véridique, vers elle Delechut sut très vite voler, et ceci n’est, en vérité, le moindre de ses dons !

(A suivre)

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